Zeïtoun: Le Grande Insurrection XIII

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Le combat de Fournous

Le 12 novembre, les insurgés de Fournous formèrent un seymen de 230 personnes et se mirent en roule pour une seconde incursion dans les parages de Nédirli. Malheureusement le lendemain leurs éclaireurs vinrent avertir ceux qui restaient à Fournous que l'armée turque de Sisné, composée de 8,000 Zeïbeks, et commandée par Ali-Bey, avait occupé Gantchi et marchait sur Fournous. Une autre division, composée de réguliers et de bachi-bozouks, avançait par le Pont-dé-Pierre et par le chemin de Seg, vers Fournous.

Nos camarades Abah et Hratchia qui se trouvaient à Fournous, s'étaient empressés de demander des secours à Zeïtoun et de rappeler le seymen partant pour Nédirli. Abah était allé avec quarante-cinq combattants défendre le défilé de Ghessek contre Ali-Bey; Hratchiu s'était rendu aux collines d'Aghuli, pour résister à l'autre division. Vers le soir, Hratchia avait [déjà commencé le combat avec l'avant-garde des troupes turques et il l'avait repoussée; la nuit, le seymen rappelé était arrivé et s'était uni à cette bande.

De Zeïtoun, nous avons envoyé soixante-dix combattants (15 décembre), auxquels s'étaient rejoints en chemin les réfugiés arméniens des villages Kiredj et Déyirmen-Déré; Au matin, les éclaireurs de Yartanenk vinrent nous annoncer que la grande armée de Remzi-Pacha avait quitté tentes et que les cavaliers de l'avant-garde, ayant déjà passé le pont, marchaient sur Zeïtoun. Soixante-dix combattants que nous avions envoyés à Fournous, avaient rencontré près de Tékir un seymen de Circassiens et leur avaient livré un combat furieux; les Circassiens, battus, étaient mis cri fuite, mais nos combattants n'avaient pas continué leur chemin, ayant appris que Fournous était pris par les Turcs.

Les samedi (14 décembre), Ali-Bey, voyant qu'il était impossible de pénétrer dans le défilé de Gbessek, change de plan et s'avance du côté du couvent Sourp-Garabed, pour descendre par les montagnes.

Abah, le vartabed Bartholoméos et Hadji-Mardiros Chadalakian s'élancent avec soixante combattants sur les hauteurs et commencent une résistance acharnée.

Les soldats, arrivant du côté de Seg, commencent en même temps à attaquer la bande de Hratchia; ils avaient un canon avec eux. Nos insurgés résistent jusqu'à midi et font périr quelques centaines de soldats, mais les munitions finissant par manquer, ils se retirent jusqu'à Fournous et se réfugient au-dessus du village dans les rochers. Ils avaient d'avance détruit le pont de la rivière de Fournous; les soldats n'osent pas passer l'eau ce jour-là; ils se rangent en face du village et commencent à y faire pleuvoir des balles et des boulets.

Abah et ses combattants résistent pendant dix heures aux soldats d'Ali-Bey, qui perdent 250 personnes et ont un grand nombre de blessés. Lorsque les munitions son épuisées, nos camarades battent en retraite jusqu'au couvent Sourp-Garabed. Là, ils se trouvent outre les deux feux de l'ennemi; du nord et du sud, ils sont vivement attaqués. Ils voient qu'il leur est impossible ni d'entrer clans le couvent ni de descendre à Four-nous. La panique commence; tous se mettent à fuir, descendent dans la vallée se trouvant devant le village pour se réfugier à Zeïtoun. Les Turcs les cernent de loin et en tuent quelques centaines, qui étaient pour la plupart des femmes, du vieillard et des enfants; les autres rebroussent chemin et rentrent à Fournons.

Abah, resté seul près du couvent, rencontre le vartabed Bartholoméos; tous les deux montent à cheval, s élancent du côté de l'est, passent à travers les vignes, descendent par les collines; ils traversent l'endroit où les Turcs fusillaient les réfugiés, et bien que plusieurs fusils soient dirigés contre eux, aucune balle ne les atteint; ils s'avancent toujours, ils réussissent à déchirer la chaîne des soldats et ne se reposent que lorsqu'ils arrivent à une heure de distance de Fournons, loin de tous dangers.

Après la fuite des insurgés, les soldats s'avancèrent, occupèrent, le couvent Sourp-Garabed et le brûlèrent. Abah rencontra, à l'endroit ou il s'était reposé la bande de Zeïtouniotes qui, après avoir repoussé les Circassiens près de Tékir, retournaient à Zeïtoun; il leur avait dit de s'arrêter avec lui et avait envoyé, la nuit, un messager à Fournous pour avertir les Arméniens qui y restaient encore, que les soldats s'étaient retirés et qu'ils pouvaient s'enfuir à Zeïtoun en passant la rivière et qu'eux-mêmes étaient là à veiller sur les chemins. Les Arméniens, restant à Fournous, quittèrent le village en grande partie et purent aller sans danger jusqu'à Zeïtoun.

Un autre héros, avait également réussi à franchir la chaîne militaire et à arriver jusqu'à Zeïtoun. C'était le maire du village Mavenk, Mardiros Chadalakian; il avait été grièvement blessé ce jour-là dans la mêlée, mais ses compagnons d'armes l'avaient vu continuer à se battre en criant: «Ça n'a pas d'importance, ma blessure continuez, mes enfants!» Et c'est tout saignant qu'il a traversé les troupes turques en poussant son cheval au galop. Au bout de deux jours, il mourut. C'était un homme d'une grande énergie et d'un admirable dévouement; il avait été à l'école, et il passait pour un homme instruit; il était estimé, admiré et aimé dans tout le district. Sa maison avait toujours été un refuge pour les pauvres et pour les persécutés; à notre appel de préparer une résistance contre les massacres, il fut un des premiers à s'écrier: «Je suis prêt à sacrifier mes biens et ma vie pour défendre mon peuple.»

Quelques milliers des habitants de Fournous, la plupart ayant des armes, avaient pris quelques provisions avec eux et étaient montés sur la montagne se trouvant derrière Fournous et dans les cavernes de Ghessek. Les soldats d'Ali-Bey n'avaient pas encore pu, jusqu'au dimanche à midi (15 décembre), entrer dans Fournous; les Arméniens tiraient sur eux et roulaient des fragments de rocs; ils continuèrent jusqu'à ce que leurs munitions fussent épuisées. Alors les ennemis entrèrent dans le village et se mirent à le piller, puis ils l'incendièrent.

Des milliers de soldats se répandirent sur les montagnes à la poursuite des fuyards; à quelques endroits, ils rencontrèrent encore une résistance: mais ils avaient capturé près de cinq cents femmes dont ils violèrent la plupart sur les lieux mêmes, et dont une partie fut emmenée par les Circassiens dans leurs harems, et une grande partie à Marache; en passant le Pont-de-Pierre, une cinquantaine de ces femmes s'étaient jetées à l'eau pour ne pas embrasser l'islamisme. D'autres s'étaient précipitées par les rochers et d'autres préférèrent être déchirées par les soldats que de devenir turques.

Les soldats d'Ali-Bey, après avoir passé trois jours à chercher des Arméniens dans les montagnes de Fournous, se dirigèrent vers Zeïtoun. Trois mille Arméniens restaient encore dans ces montagnes et, avec eux, se trouvait Hratchia qui ne rentra à Zeïtoun que le 7 janvier 1898.

Ces quelques milliers d'insurgés attaquèrent deux fois (22 et 27 décembre) les soldats qui apportaient des provisions à la grande armée, qui était déjà à Zeïtoun. Ils les avaient pillés et cela leur avait permis de vivre quelque temps.