Zeïtoun: Le Grande Insurrection XI

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La comission envoyée par Remzi-Pacha

Après nos combats à Gaban, nous avons cessé pour quelque temps nos incursions à cause de l'hiver qui était devenu rigoureux et parce que nous avions besoin de fortifier les deux centres de l'insurrection; nous envoyions seulement des bandes de chasseurs qui allaient tous les jours sur veiller les environs à une assez grande distance. Nous avions à Zeïtoun et Fournous une provision de blé qui aurait suffi pendant une année au besoin des insurgés; mais il y avait les quinze mille réfugiés qu'il fallait nourrir aussi; il était évident que la famine nous attendait dans quelques mois si nous n'avions pas recours à de nouveaux moyens d'approvisionnement. De même, le sel qui se trouvait à Zeïtoun et Fournous était insuffisant; ce souci fut dissipé pour quelque temps lorsque nos gens eurent découvert une source salée dans les montagnes.

Avec les réfugiés, nous avions aussi les six cents prisonniers turcs que nous devions nourrir, comme nous l'avions fait jusque-là. Nous fûmes obligés de prier le colonel captif d'écrire au commandant militaire de Marache pour qu'il envoie des vivres aux soldats turcs. Voici la lettre 'que le colonel écrivit au commandant, je la traduis textuellement:

«A Son Excellence le commandant général Moustapha-Remzi-Pacha.

«La prière de votre serviteur est ceci:

«Quoique je me porte fort bien et que je me trouve en toute sécurité, je dois constater que la situation des soldats prisonniers est devenue très pénible; jusqu'à présent les Zeïtouniotes les ont humainement traités, mais un grand nombre de réfugiés arméniens étant venus ici, ils sont maintenant obligés de les nourrir aussi.

«Aujourd'hui, le général baron m'ordonna d'écrire à votre Excellence que si vous voulez bien envoyer des vivres au moyen de muletiers arméniens jusqu'au Pont de Pierre les sentinelles zeïtouniotes les transporteront ici et les distribueront aux soldats. Il dépend de vous de donner votre décision.»

«Colonel Effet-Bey. «27 Techrini-Sani, 1311.»

Nous avons envoyé cette lettre à Marache au moyen de deux soldats prisonniers. J'ai appris plus tard par un témoin que Remzi-Pacha, après avoir lu cette lettre, avait crié devant les soldats eux-mêmes: «Otez-vous de ma vue, imbéciles; il y a longtemps que le gouvernement vous compte déjà comme perdus 1

Le 27 novembre, nos chasseurs arrêtèrent cinq personnes dans les ruines de Béchen; tous les cinq portaient des costumes européens et étaient montés à cheval. En voyant des insurgés ils avaient élevé un drapeau blanc et s'étaient mis à chanter un hymne d'église arménien. C'étaient des notables de Marache que Moustapha-Remzi-Pacha avait fait sortir de prison où ils gémissaient depuis des semaines, et qu'il avait forcés de se rendre à Zeïtoun pour communiquer aux insurgés ses ordres et ses menaces. C'étaient le prêtre Tor-Oghli et les notables Artin Mouradian, Hovsep Diche-Tchékénian, Bédros Salatian et Gosdan Der-Ohannessian.

Nous les avons conduits directement à la caserne; ils portaient avec eux un papier sans signature et sans date, et qui contenait les conditions suivantes posées par le gouvernement:

«Le gouvernement impérial pardonnera aux Zeïtouniotes:

«1° S'ils livrent les fauteurs et les chefs d'insurgés;

«2° S'ils rendent leurs armes au gouvernement;

«3° S'ils restituent les canons, les fusils et les biens pris dans la caserne, et s'ils y réinstallent les soldats.»

Nous avons compris que c'était là un piège et nous avons enfermé les cinq délégués dans deux chambres de là caserne. Ceux-ci eurent beau nous énumérer les menaces de Remzi-Pacha, selon lesquelles 80,000 réguliers et un grand nombre de bachi-bozouks viendraient avec treize canons et des munitions en quantité pour détruire définitivement le Zeïtoun; nous avons continué à rester fermes dans notre décision, et quelques vieux Zeïtouniotes ont montré aux délégués timides la neige qui s'accumulait autour do Zeïtoun et leur ont répondu: «Voici la blanche armée de Dieu qui commence à nous cerner pour nous défendre; elle sera la tombe des innombrables soldats dont vous parlez». Ces notables devaient rentrer à Marache; au bout de trois jours nous avons décidé de les garder. Puis nous avons envoyé à Remzi-Pacha, la réponse suivante au moyen de trente-deux soldats:

«Au gouvernement de Marache,

«Dans les ruines de Béchen, nous avons arrêté les cinq espions arméniens que vous avez envoyés et nous les avons emprisonnés dans la caserne.

«Ils seront jugés dans quelques jours et ils recevront la punition qui leur sera destinée.

«Aghassi. «Zeïtoun, 7 décembre 1895.»

Quelques jours plus tard, Abah et Hratchia partirent à Fournous pour surveiller le peuple et pour régler la question du blé. De notre côté nous nous mîmes à fortifier nos positions à Zeïtoun; nous avons ouvert sur les murs du sud, est et ouest de la caserne un grand nombre de trous à fusil. Nous avons fait fermer les grandes porte nous en avons ouvert une petite du côté du nord, nous avons creusé devant elle un fossé conduisant au petit ravin qui descend vers la ville de Zeïtoun. Nous avons envoyé les réfugiés dans la ville et nous avons fait démolir la plus grande partie des maisons environnant la caserne pour qu'elles ne nous empêchent pas de voir l'arrivée des ennemis.

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1 Les journaux de Constatilinople el les dépèches envoyées en Europe avaient annoncé en ce moment que le Sultan avait donné l'ordre d'envoyer des vivres aux soldats prisonniers; ce n'etait à qu'un mensonge.