Zeïtoun: Le Grande Insurrection X

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Combats à Gaban

Le 18 novembre, arrivèrent à Androun, par le chemin d'Adana, 6,000 Zeïbeks smyrniotes, ayant à leur tête le colonel Ali-Bey, fils de Kel-Hassan-Pacha; cet homme était renommé parmi les paysans turcs pour sa bravoure. Il reconstitua le seymen dispersé de Yayidj-Oglou, et campa dans les ruines de Sisné.

Le 17 novembre, notre ami Abah, accompagné de quelques combattants, se rendit à Gaban pour former un grand seymen et continuer le combat; en y arrivant, il avait vu que les combattants de Zeïtoun et de Fournous, qui s'y trouvaient auparavant, étaient partis à Yénidje-Kalé pour délivrer les missionnaires franciscains; il se trouva donc tout seul avec ses quelques combattants.

Profilant de celte occasion, les Turcs de Gaban qui jusque-là avaient continué à aller prier dans l'église arménienne, vont voir secrètement le colonel Ali-Bey et lui disent: «C'est juste le moment d'attaquer Gaban; il ne reste plus de Zeïtouniotes ici, excepté l'un des généraux 1 européens avec ses quelques combattants.»

Le mardi 19 novembre, vers le soir, Ali-Bey commence à assiéger la plaine de Gaban de toutes parts: il envoie un homme à Abah pour lui dire qu'il sera massacré avec ses amis, s'ils ne se rendent pas. Notre vaillant camarade répond froide ment à l'envoyé: «Va dire à ton maître que je suis prêt à résister.»

Sur cette fière réponse, une bande de cavaliers circassiens s'avancent jusqu'au pied du village, et veulent emporter les bestiaux des habitants; quelques cavaliers arméniens se battent avec eux, en tuent quelques-uns et repoussent les autres.

Et cependant, il y avait trop peu de forces du côté Arméniens à Gaban; les habitants du village étaient presque tous sans armes; et Ali-Bey avait avec lui 8,000 soldats et bachi-bozouks. Abah divise en quelques groupes les habitants de Gaban, les place sur les passages principaux, puis il envoie des hommes à Fournous, à Yénidjé-Kalé et à Zeïtoun, pour que les compagnons arrivent à leur aide. Mais les ennemis s'étaient déjà avancés dans le village turc, les gens de Gaban, découragés et effrayés, s'enfuient dans les montagnes. Abah reste seul aveu quatorze Zeïtouniotes et une jeune fille de Gaban, du nom de Doudou, armée jusqu'aux dents.

Abah décide de se battre jusqu'à la fin; il comprend que s'il se retire, toute la population du village sera massacrée; il veut distraire les ennemis pour donner le temps aux villageois de s'enfuir.

Au matin (19 novembre), les ennemis attaquèrent le village de Gaban. Abah et ses compagnons se trouvaient postés à l'entrée de l'unique défilé de Gaban qui monte de la plaine et s'élève jus qu'à une hauteur d'un kilomètre; pour arriver à nos combattants, les Turcs devaient passer doux à deux dans ce défilé étroit et rocheux. Les nôtres étaient, armés de fusils Martini et possédaient des munitions en grande quantité; ils se tenaient à l'entrée prêts à frapper tous ceux qui oseraient s'avancer; et en effet, lorsque l'attaque commença, ils tuèrent dans quelques instants, plusieurs dizaines de soldats, sans avoir eux-mêmes un seul blessé. Ali-Bey comprit l'impossibilité de pénétrer dans le défilé, et envoya quelques bataillons qui allèrent faire le tour de la montagne, et au bout de quatre heures vinrent assiéger nos camarades par derrière. Mais pendant ces quatre heures, les habitants de Gaban avaient eu le temps de s'enfuir à Fournous, en passant par des sentiers cachés; c'est seulement alors qu'Abah et ses combattants se retirèrent par le même sentier et entrèrent à Zeïtoun.

Les soldats, furieux de ne trouver personne, pillèrent le village, puis y mirent le feu. Ils tuèrent les quelques vieillards, femmes et enfants, qui n'ayant pu fuir, étaient restés dans le village; ils lancèrent les vieilles femmes dans les précipices et ils broyèrent les enfants contre les rochers.

Les Arméniens de Boundouc, de Davoudenk, de Chivilg'ui et de Sisné suivirent l'exemple de ceux de Gaban et se réfugièrent à Zeïtoun. Le nombre (Ici réfugiés atteignit 15.000 à Fournous et à Zeïtoun; et ces deux localités devinrent les deux centres principaux de l'insurrection.

Après Gaban, les soldats d'Ali-Bey occupèrent le village de Boundouc; mais ce jour-là même (20 novembre) les combattants zeïtouniotes qui de Yénidjé-Kalé marchaient vers Gaban pour aller au secours des habitants de ce village, arrivèrent à Boundouc où ils curent une rencontre avec les soldats; le combat dura une demi-heure, les Turcs furent battus et se retirèrent à Sisné. Les insurgés ramassèrent une grande quantité de blé et retournèrent à Zeïtoun.

Pour punir les Turcs de Gaban de leur lâche trahison, nous avons formé à Zeïtoun un bataillon de combattants, à la tête duquel passèrent plusieurs jeunes princes et nos camarades Abah et Hratchia. Ce bataillon partit le 22 novembre; on quittant le Zeïtoun il se composait de 450 personnes, le nombre s'en éleva jusqu'à 1,200 lorsqu'il arriva à Gantchi.

Ils entrèrent soudainement dans le village turc de Gaban; les habitants, sans opposer aucune résistance, sortirent clans la plaine pour s'enfuir au camp d'Ali-Bey. Les cavaliers zeïtouniotes les poursuivirent, et en tuèrent la plus grande partie; puis nos combattants entreront dans le village, le pillèrent et retournèrent à Zeïtoun.

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1 Ils prenaient Abah pour un général européen.