Zeïtoun: Le Grande Insurrection VII

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Combats autour de Zeïtoun

Le 31 octobre, les Turcs de Déyirmen-Déré et de Goguisson s'étaient réunis dans le village de Tchoukour-Hissar et avaient décidé d'attaquer, le lendemain, le village arménien de Gantchi. Les Arméniens de Fournous avaient appris l'intention des Turcs, et cent cinquante d'entre eux étaient allés, conduits parle sous-gouverneur Kévork Belderian, les attaquer au cas où ils se refuseraient à accepter une capitulation. Les Turcs avaient repoussé cette proposition pacifique et dès le ma tin un combat acharné commença entre les Turcs et les Arméniens près de Tchoukour-Hissar. Le combat dura pendant quatre heures; les Arméniens avaient réussi à occuper une partie des maisons turques, auxquelles ils avaient mis le feu; jusque-là, ils n'avaient eu qu'un mort et quatre blessés, tandis que les Turcs avaient trente-sept morts: mais l'incendie s'étendait de plus en plus, et les Turcs s'étaient enfuis.

Une partie des fuyards, soixante-dix-sept personnes, tombèrent aux mains de nos combattants qui voulurent les amener comme captifs à Zeïtoun; mais en chemin, au moment où ils passaient près de Gantchi, là justement où cinq siècles auparavant, les musulmans avaient égorgé les soldats captifs de notre dernier roi Léon VI, ce souvenir douloureux les surexcita, et ils tuèrent leurs cap tifs. Mais ils avaient déjà conduit leurs femmes et leurs enfants à Androun sans leur faire aucun mal (1er novembre).

Le 27 octobre, le sous-gouverneur de Goguisson, le Circassien Méhemmed-Bek, s'était rendu avec les notables turcs aux villages arméniens, avec lesquels il avait fait une espèce de traité dans les conditions suivantes: 1° Si les Arméniens de ces villages ne s'unissaient pas aux Zeïtouniotes, ils ne seraient pas attaqués par les Turcs; 2° Si les Zeïtouniotes venaient attaquer les Turcs de ces parages, les Arméniens défendraient leurs voisins musulmans; et si les soldats venaient attaquer les villages arméniens, les Turcs défendraient leurs voisins chrétiens. Lorsque nous avons envoyé des hommes au village de Dache-Olouk pour forcer les habitants turcs à se rendre, les Arméniens avaient, selon le traité, défendu leurs voisins turcs et avaient prié leurs compatriotes de ne pas leur toucher, puisque ceux-là voulaient bien rester en bons termes avec eux.

Mais, dans la nuit du 1er novembre, les soldats de Goguisson et d'Eridjek, prenant avec eux un grand nombre de cavaliers circassiens et de Turcs, attaquèrent les Arméniens de Dache-Olouk. Sous la conduite de Méhemmed-Bek, les habitants turcs, loin de protéger leurs voisins chrétiens, furent les premiers à les attaquer, lors qu'ils virent l'arrivée des soldats. Les Arméniens, lâchement trahis, et trop peu nombreux pour résister contre tant de forces réunies, ne trouvèrent, pour se sauver du massacre, d'autre moyen que de s'enfuir vers Zeïtoun; quelques vieillards et femmes malades, qui n'avaient pu fuir, furent outragés et massacrés par les Turcs.

Les Arméniens des autres villages de Goguisson (Kiredji, Gueul-Pounar, Héïk, Déyirmen-Déré) suivirent l'exemple de Dache-Olouk. Nous avons placé tous ces fuyards dans les deux villages turcs de Zeïtoun, Tanour et Deunghel, dont les habitants s'étaient soumis à nous dès le premier jour de l'insurrection et qui se chargèrent de nourrir nos compatriotes.

Dans le hameau de Yarpouz, où se trouvaient cent cinquante maisons arméniennes, les Turcs avaient pillé les biens de nos compatriotes et enlevé leurs femmes. Ils avaient fait de même à Albisdan.

Le 5 novembre, de nouveaux bataillons arrivèrent et se concentrèrent sur deux points: 2,000 soldats à Eridjekj à quatre heures de dis tance de Zeïtoun vers le nord; 8,000 soldats dans la plaine se trouvant près du Pont de Vartabed où 3,000 Turcs de Pertous s'étaient déjà réunis après le combat de Pertous-Tchaï. Tous ces soldats attendaient là pour empêcher nos combattants de marcher jusqu'à Marache, où les Turcs étaient en train de massacrer les Arméniens à leur aise.

De même à Nal-Tchéken, le nombre des soldats avait considérablement augmenté. Ils avaient commencé à attaquer les villages arméniens se trouvant au sud d'Alabache; les Arméniens avaient résisté pondant une semaine, mais leurs munitions s'étant épuisées, ils se retirèrent peu à peu à Zeïtoun, sur le mont Chembek et autour de la forteresse de Gurédine.

Le 5 novembre, les Turcs de Béchen, auxquels nous n'avions jamais voulu toucher parce qu'ils étaient nos voisins, volèrent les mulets du prince Nazareth Yéni-Dunia. Déjà, avant ce vol, ils s'étaient plusieurs fois comportés en traîtres à notre égard; ils étaient allés faire connaître nos mouvements aux soldats turcs et ils les avaient invités à passer le fleuve et à venir s'établir dans leur village. Une grande indignation s'éleva à Zeïtoun contre ces traîtres: nous avons formé une bande de quatre cents combattants et nous les avons envoyés pour chasser les Turcs de Béchen et pour repousser les soldats qui s'avançaient vers le sud d'Alabache. Le 7 novembre, à midi, nos combattants se mirent on route; cette fois-ci, nous avions choisi les plus braves.

Ils avaient réussi, sans rencontrer aucune résistance, à chasser les Turcs de Béchen; puis ils avaient repoussé les soldats qui étaient en train d'incendier les villages d'Alabache. Cela répandit l'effroi parmi les ennemis qui n'osèrent plus passer le fleuve.

Depuis le 22 octobre, le chef turcoman Yayidj-Oghlou Zulfahar avait assiégé le village de Chivilgui avec 1,500 bachi-bozouks; il voulait d'abord anéantir ce village dont les habitants renommés par leur bravoure le gênaient. Il était, d'ailleurs, amplement encouragé parle gouverne ment. Avant d'avoir commencé ses attaques, Yayidj-Oghlou avait reçu du gouverneur de Marache, Abdul-Véhab-Pacha, une lettre qui, plus tard, tomba entre nos mains, et dont voici textuellement le contenu:

A Abaza-Zadé Dourtlou-Bek et à Zulfahar-Zadé Yayidj-Agha,

Sachez que les bandits Zeïtouniotes vont faire des attaques dans vos parages; vous devez prouver votre zèle à défendre notre religion. Vous nous aviez de mandé des armes el des munitions, vous devez savoir que le gouvernement se trouve en ce moment dans une situation très précaire; faites une souscription et armez le peuple; nous avons tout de même envoyé à Dourdou-Bek deux litres de poudre. L'ardeur religieuse est donc complètement, morte dans le peuple? Nous croyons que le moment est arrivé de déployer l'étendard sacré.

Soixante-douze Arméniens de Chivilgui résistèrent vaillamment pendant seize jours au seymen de Yayidj-Oghlou et le repoussèrent trois fois. Le 8 novembre, ayant reçu un renfort de quelques centaines do cavaliers circassiens de Tchokhakh, Yayidj-Oghlou tenta une attaque décisive; les Arméniens résistèrent furieusement; et, lorsque de Fournous et de Davoudenk une centaine d'insurgés arméniens arrivèrent à leur secours, Turcs et Circassiens, sans même attendre leur approche, prirent la fuite et se dispersèrent. Après eux, les Turcs de Sisné s'enfuirent également et nous pûmes nous emparer de l’abondante provision de blé que le gouvernement avait dans ce village.

Depuis le 31 octobre, deux cents Turcs de Nédirli et de Kurtul avaient assiégé le village de Télémélik: trente-cinq villageois arméniens avaient résisté à leurs attaques et les avaient repoussés plus d'une fois. Le 10 novembre, les ennemis ayant considérablement augmenté leur nombre, firent une attaque définitive sur Télémélik; la situation des Arméniens était très périlleuse. Nous nous sommes empressés d'envoyer trente de nos meilleurs combattants qui allèrent à leur secours; en même temps, les combattants d'Alabache et de Mavénk, deux cent cinquante personnes en tout, conduits par Khatcher Kaila et Hadji-Mardiros Ghadalakian, arrivèrent pour les assister. Le combat dura cinq heures; les Turcs, vaincus, s'enfuirent jusqu'à Marache. Nos combattants plantèrent le drapeau insurrectionnel au milieu du Pont-de-Pierre de Djaban et continuèrent leur marche sur les villages de Kurtul et de Nédirli.

Le 13 novembre, nous avons envoyé à Gaban une bande de Zeïtouniotes; les villageois turcs rendirent leurs armes et se soumirent sans résistance. Seulement, les habitants de quinze maisons avaient pris la fuite, et tous appartenaient à la famille Abaza; leurs chefs étaient Dourdou-Bek, Millu-Aghaet Murtaza-Agha. Nos insurgés pillèrent les maisons des fuyards, mais ils ne firent aucun ma1 à ceux qui s'étaient rendus. Les Turcs de Gaban acceptèrent non seulement de planter notre drapeau au-dessus de leur village, mais ils voulurent, de leur propre gré, se convertir au christianisme; ils allaient, cinq fois par jour, prier à l'église, et allèrent même jusqu'à nous prier de les baptiser; mais nous avons refusé d'accepter leur proposition; nous nous sommes contentés de leur faire transporter à Zeïtoun les provisions de blé que le gouvernement avait à Gaban et à Boundouk.