Zeïtoun: Le Grande Insurrection VI
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Le gouvernement provisoire
Le lendemain, lundi 31 octobre, je suis descendu dans la ville et nous avons formé avec les princes le gouvernement provisoire qui se composait de deux assemblées:
1° L'assemblée générale qui avait quarante membres; 2° L'assemblée administrative qui avait seize membres, tous appartenant aux familles princières.
Outre ces deux assemblées, nous avions aussi un conseil de guerre qui se composait de tous les chefs d'insurgés, sans distinction de classe ni de rang.
Nous convoquions tous les jours l'assemblée administrative pour régler les questions du jour; l'Assemblée générale n'était convoquée que pour les questions d'une certaine gravité. Le conseil de guerre ne se tenait qu'avant les combats ou les invasions.
Nous avons désigné des troupes de garde pour plusieurs endroits dans la ville et dans les villages. Nous avons aussi formé une troupe de cent cavaliers pour surveiller les limites lointaines de Zeïtoun, pour épier les mouvements de l'ennemi et pour arrêter leurs courriers; le soir ils retournaient pour garder la caserne.
Nous avons permis à tous les officiers turcs et aux fonctionnaires de quitter le Zeïtoun et d'aller avec leurs familles où ils voulaient; nous leur avons donné des passeports écrits en arménien pour que nos gens les laissent passer sans obstacle. Nous avions décidé de ne garder dans Zeïtoun que le colonel, le gouverneur et les soldats captifs, et nous nous sommes chargés de les nourrir à nos frais.
Une fois devenus maîtres de Zeïtoun, nous avons pensé à aller défendre nos frères des villages environnants opprimés et persécutés par les Turcs; nous avons formé plusieurs bandes de combattants pour aller attaquer les villages turcs et les seymen qui se trouvaient aux environs.
Ces incursions nous étaient d'ailleurs nécessaires pour une autre raison: nous aurions pu ainsi, en pillant les dépôts du gouvernement dans les villages turcs, nous procurer des provisions, dont sans cela nous aurions manqué, car l'insurrection avait commencé avant la fin des vendanges et nos Zeïtouniotes n'avaient pu échanger leurs confitures et leurs raisins avec les blés des villages turcs et circassiens.