Zeïtoun: Le Grande Insurrection I

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Zeïtoun

Les préparatifs de massacre

Pendant les mois de mai, de juin et de juillet 1895, Zeïtoun et ses environs jouirent d'une paix apparente. Les Turcs s'étaient adonnés pendant tout ce temps à une activité secrète et perfide. Les Arméniens en général, encouragés par l'espoir que les réformes proposées par l'Europe allaient être exécutées, étaient animés de joie et se tenaient insouciants. Les Grecs, les Juifs et les Européens, convaincus que les réformes allaient se réaliser, félicitaient les Arméniens de leur délivrance prochaine; les commerçants juifs d'Àlep se préparaient même à aller s'établir dans l'Arménie réformée.

Le gouvernement turc flattait les Arméniens en apparence et leur montrait une attitude douce et bienveillante: en même, il avait répandu des mollahs, des softas, des cheikhs et des gendarmes déguisés pour exciter la populace musulmane. Des sociétés secrètes se formaient, des armes étaient distribuées, et des ordres étaient donnés aux Turcs de surveiller de près les Arméniens. Partout on transformait les Medressés (écoles religieuses) en corps de garde où les Turcs allaient prendre des armes et des munitions.

Pendant cette période de préparation, les Turcs ont quelquefois t'ait éclater leur rage contenue et leur impatience de commencer le massacre: «Giavours, disaient-ils, vous allez voir, dans peu de jours nous allons vous massacrer tous». A Marache, Cadir-Bek Zulcadir, qui est le vrai maître et gouverneur de cette province et dans les mains duquel le Mutessarif n'est qu'un pantin, avait plusieurs fois répété aux notables arméniens: «Ne nourrissez pas de vaines espérances, le Sultan ne vous accordera rien du tout; et s'il voulait même exécuter les réformes, nous sommes toujours décidés à vous massacrer.»

Cependant, Zeïtoun étant considéré par les Turcs, comme une espèce de «petite Russie» dans l'empire ottoman, les autorités de Marache avaient pensé que le bataillon se trouvant dans la caserne était insuffisant pour la besogne projetée. Au mois de juin ce bataillon fut remplacé par celui d'Enézé, qui était composé de soldats arabes, kurdes et turcomans renommés pour leur bravoure. Ces soldats turbulents et leurs jeunes officiers commençaient déjà à adresser aux Zeïtouniotes des paroles insolentes: «Attendez un peu que le combat commença, et vous allez voir un bataillon comme vous n'en avez pas encore vu.» Mais pour que ces brigands ne commencent pas l'exécution du projet secret avant le jour fixé, le gouvernement fit transporter à Marache le major qui était un homme trop ardent et envoya à sa place le colonel des bataillons de Marache, Effet-Bey, un turc constantinopolitain, homme paisible et honnête, qui avait pris part à la guerre russo-turque et était tombé deux fois captif aux mains des Russes.

Les soldats jetèrent le trouble à Zeïtoun par leur conduite licencieuse; ils allaient prendre des marchandises aux boutiquiers arméniens et ne payaient pas, ils adressaient des paroles ordurières aux femmes zeïtouniotes, ils injuriaient les hommes et insultaient les prêtres.

Dans le courant du même mois, Tevfik-Bey, le gouverneur de Zeïtoun, fut remplacé par Avni-Bey, un Turc smyrniote très fanatique; cet homme mit le comble à l'excitation provoquée parles soldats, en menaçant lui-même les Zeïtouniotes de catastrophes imminentes.

Aux mois de juin, de juillet et d'août, quelques cas de choléra s'étaient déclarés en Cilicie; le gouvernement y trouva un prétexte pour fonder des corps de garde au sommet des collines, même dans les districts montagneux où l'épidémie ne pouvait jamais pénétrer. Les bandes de musulmans armées qui se trouvaient dans ces pré tendues maisons sanitaires, sortaient souvent et allaient se poster sur les chemins, pour laisser passer en toute liberté les musulmans d'un district à l'autre, tandis qu'ils fouillaient et pillaient les Arméniens sous le prétexte sanitaire.