Zeïtoun: Histoire de Zeïtoun XVIII

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Les siragan. - Les derniers événements

Depuis 1885, à Zeïtoun et aux environs une société s'était formée qui portait le nom de Société des Siragan (ceux qui aiment). Les chefs en étaient le prêtre Der Ghevonte Djénanian, la jeune Elizabeth de Yarpouz, et l'un des principaux apôtres, Sarkis, le bedeau zeïtouniote. A Hadjin, son représentant fut une femme, Mme Sara. Cette société prêchait l'union et la fraternité. Le mouvement, qui était restreint tout d'abord, alla eu s'élargissant, s'étendit dans toutes les villes et surtout dans les villages de la Cilicie. Les apôtres, par la douceur de leurs mœurs et par l'éloquence de leurs paroles, gagnaient un grand nombre d'adeptes, surtout des femmes, à leurs idées.

Les membres de cette société s'en allaient par bandes pendant le jour ou la nuit hors des villes et des villages pour chanter et prier dans la solitude des champs. Ils étaient extrêmement dévoués et très tolérants les uns envers les autres; cette société avait aussi des membres parmi les Turcomans, les Kurdes et les Circassiens; c'était une espèce d'armée du Salut, plutôt humanitaire que religieuse.

Les membres de la société tâchaient de mettre en pratique leurs idées de fraternité en unissant les intérêts de tous. Us voulaient vivre d'une vie commune; à quelques endroits ils avaient déjà réuni leurs mulets et formé des caravanes publiques; ils cultivaient ensemble les terres appartenant à tous. Les habitants de quinze maisons do Zeïtoun et d'Alabache s'étaient établis dans le couvent de Sourp-Perguitch et mangeaient à une table commune; ils furent, plus tard, poursuivis par le gouvernement et tombèrent dans la misère.

Le gouvernement poursuivit non seulement les membres paisibles de cette société, mais aussi tous les habitants de Zeïtoun et des environs. La question arménienne était en ce moment agitée en Europe et à Constantinople; le gouvernement turc croyait voir partout des comités révolutionnaires. Les Turcs Hadjilar de Zeïtoun, qui avaient jusque-là vécu en frères avec les Arméniens, furent excités et achetés par le gouvernement pour espionner leurs compatriotes arméniens. Ils étaient protégés à outrance par le gouvernement aux dépens des Arméniens.

Les mêmes persécutions avaient lieu à Hadjin. Le gouvernement emprisonna ou exila un grand nombre des Siragan comme des révolutionnaires; parmi ceux-ci se trouvait Mm Sara, qui fut con damnée à trois ans d'exil à Saint-Jean-d'Acre.

Le 2 juin 1890, le gouverneur de Marache, Salih-Pacha, se rendit à Zeïtoun pour faire une enquête au couvent de Sourp-Perguitch que les Siragan étaient en train de reconstruire pour y habiter. Le pacha ordonna à ses gens de démolir le couvent en alléguant que les Arméniens voulaient construire une forteresse; puis, pour détruire la génération future de Zeïtoun, le pacha fit mettre à l'œuvre un projet infernal: comme en ce moment il y avait à Zeïtoun une épidémie de petite vérole, un médecin que le pacha avait amené de Marache injecta du poison à quatre cents jeunes garçons sous le prétexte de les vacciner; tous les quatre cents moururent le lendemain.

Quelques jours plus tard, un gendarme du nom d'Osman, ayant voulu violer la jeune Elizabeth au uniment où celle-ci se rendait au couvent de Fournous, les Arméniens de Boz-Baïr guettèrent une nuit le gendarme et le tuèrent.

Salih-Pacha demanda les coupables aux princes de Zeïtoun; ceux-ci se déclarèrent incapables de les arrêter. Le G octobre, les insurgés s'étaient réunis dans l'église Sourp-Ohannès de Boz-Baïr. Salih-Pacha envoya un bataillon à Zeïtoun pour les arrêter; les insurgés tirèrent sur les soldats et les repoussèrent jusqu'à la caserne; en même temps les insurgés chassèrent de Zeïtoun les soldats qui s'y trouvaient. Un combat com mença qui dura trois heures. Les insurgés s'emparèrent du palais gouvernemental, et leur chef Panos Cham-Kéchichian, qui s'était installé dans le fauteuil du gouverneur, répondit aux notables arméniens envoyas par le gouvernement pour l'en faire sortir: «Je ne quitte pas ce fauteuil; je l'ai occupé par l'épée, je ne le quitterai qu'à coups d épée.

Salih-Pacha appela quelques milliers de réservistes pour assiéger le Zeïtoun. Les insurgés res tèrent seuls; le peuple ne s'associa pas à eux; la bande se retira dans les montagnes. Les soldats entrèrent facilement à Zeïtoun, arrêtèrent une cinquantaine d'Arméniens, parmi lesquels se trouvaient les évêques Nicolaïos et Garabed, et les exilèrent à Alep.

Les insurgés ne se rendirent pas; ils s'étaient réfugiés dans la forteresse de Gurédine. Un bataillon fut envoyé pour les assiéger, mais trouvant de la part des insurgés une puissante résistance, les soldats s'enfuirent à Zeïtoun. Le gouvernement prit encore une fois le parti de par donner aux insurgés; mais il continua à dé ployer tous ses efforts pour détruire le Zeïtoun.

En 1893, arrivèrent à Zeïtoun un major et un juge fanatique de Damas, Hadji-Suleïman Effendi, qui était l'ami intime d'Izzet-Bey, le conseiller du Sultan; ces deux hommes poussèrent les persécutions à leur dernières extrémités; les paysans arméniens s'étaient dépouillés complètement pour payer les impôts; une immense misère régnait dans les villages arméniens; le juge répétait par tout: «C'est à moi qu'est destinée la tâche de la destruction de Zeïtoun.»

Non content de pressurer les paysans arméniens, ces représentants voulurent aussi les blesser dans leurs sentiments les plus intimes; ils emmenèrent de Marache une Arménienne, l'installèrent dans une maison du quartier de Boz-Baïr et permirent aux soldats de s'en servir comme d'une prostituée. Les Zeïtouniotes qui n'ont jamais supporté qu'une Arménienne se prostitue à des Turcs, démolirent cette maison et chassèrent la femme de leur ville, au mois d'avril 1895.

Le juge et le major voulurent arrêter quarante des notables de Boz-Baïr pour les exiler; ceux-ci prirent leurs armes et envoyèrent cette réponse: «Cette fois, notre prison, ce sera la montagne.» Le major et le juge télégraphièrent au Sultan que les Zeïtouniotes s'étaient insurgés. Le Sultan communiqua cette dépêche au gouverneur général d'Alep; celui-ci envoya le gouverneur de Marache à Zeïtoun pour apaiser le trouble; le gouverneur pardonna aux insurgés et rétablit la tranquillité.

La douceur de la conduite du gouverneur dissimulait des desseins perfides. C'était à l'époque où l'Angleterre, à la suite des massacres de Sassoun, présentait, d'accord avec la France et la Russie, un projet de réformes au Sultan; dans toute la Turquie, des ordres secrets furent communiqués, et tous les fonctionnaires s'assemblèrent partout pour délibérer en cachette. La même chose eut lieu à Zeïtoun, pendant que le gouverneur de Marache s'y trouvait.

Des gendarmes furent envoyés partout, et des chefs de tribu, des maires et des mollahs furent appelés au centre du district pour y tenir un conseil. Cette assemblée, dont le but restait mystérieux, dura deux jours.

Après cette assemblée, les Turcs changèrent complètement de conduite; ils feignirent d'adopter une attitude très amicale avec les Arméniens, tout en tramant en secret des projets noirs.