Zeïtoun: Histoire de Zeïtoun XI
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La chute de Hadjin
Vers 1840, dans la ville de Hadjin, il y eut un grand et désastreux changement: Hadjin avait été jusque-là un puissant centre arménien jouissant d'une demi-indépendance et qui avait toujours été comme le bras droit de Zeïtoun.
Au moment où Ibrahim-Pacha pliait toute la Cilicie sous son joug, les Cozan-Oghlou, profitant de la faiblesse du gouvernement turc, se soulevèrent contre lui, refusèrent de payer l'impôt et se proclamèrent maîtres indépendants des districts de Vahga, de Bozanti, de Sis et de Sarkhand. Un des chefs de cette tribu, Youssouf-Ahga, s'était emparé des villages de Keutune (Gaïdin) et de Ghernichen, se trouvant près de Hadjin. Il voulait se rendre maître de cette opulente ville de Hadjin qui en ce temps-là avait quatre mille maisons arméniennes et était gouvernée par ses princes arméniens. Le chef turcoman marcha trois fois avec des seymen nombreux contre Hadjin et, se postant sur le mont de Sourp-Sarkis, il se mit à faire pleuvoir des balles sur la ville. Les gens de Hadjin entrèrent dans la forte resse de Sourp-Asdvadsadsine qui se trouve on face du mont Sourp-Sarkis, ils résistèrent vail lamment et parvinrent à repousser les enne mis.
Youssouf-Agha, confus de sa défaite, se rendit à Marache pour demander l'assistance d'Ahmed-Pacha-Zulcadir. Celui-ci, connaissant la bravoure des Arméniens, songea qu'il valait mieux essayerde les subjuguer par la ruse que par la force. Il vint, feignant une amitié cordiale, passer l'été sur le mont Kirez, se trouvant à six heures de dis tance au sud de Hadjin. Il écrivit aux princes de cette ville et leur dit qu'il désirait les réconcilier avec Youssouf-Agha. L'un des princes, Hadji-Eghig soupçonna le piège et s'opposa tout d'abord à accepter l'invitation d'Ahmed-Pacha, mais en traîné par les autres princes, il se rendit avec eux, n'ayant qu'une escorte de douze combattants, à la résidence du chef Zulcadir.
Ahmed-Pacha et Youssouf-Agha leur firent tout d'ahord un accueil amical; mais au bout de dix minutes, les seymen turcomans, qui étaient à l'affût, les entourèrent soudain et les garrottant de chaînes, les fourrèrent dans une prison. Le lendemain, un bourreau leur coupa la tête. On dit que Hadji-Eghig, avant de mourir, cria à la face de Youssouf: «Tu n'es qu'un fils de catin, et comme tu n'as pas réussi par l'épée, tu as eu recours au métier de ta mère.»
Les Arméniens de Hadjin, en perdant leurs princes, perdirent aussi leur force morale. La ville se trouva impuissante à résister aux Cozan-Oghlou qui y entrèrent et s'en emparèrent. L'ad ministration de la ville resta toujours aux mains des notables arméniens, mais le joug tyrannique des Cozan-Oghlou pesa sur la ville, qui s'affaiblit et s'appauvrit de plus en plus.
Les Cozan-Oghlou essayèrent aussi d'attaquer Zeïtoun plusieurs fois, mais ils furent toujours repoussés. Ils finirent par se réconcilier avec les Zeïtouniotes et s'allièrent à la fin contre l'ennemi commun qui était le gouvernement turc.