Zeïtoun: Histoire de Zeïtoun VIII

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Marache occupé par les Zeïtouniotes. - La guerre de Tchapan-Oghlou

Après la bataille de Kalender-Pacha, les Zeïtouniotes devinrent plus puissants et furent complètement indépendants. Non seulement ils continuèrent à attaquer les villages musulmans des environs, mais dès 1810 ils se mirent à étendre leurs invasions jusqu'à Marache. Ils occupèrent deux fois cette ville, où ils restèrent pendant quelques semaines. Aujourd'hui il est presque impossible d'expliquer la haine qu'ont nourrie pendant des siècles l'un contre l'autre le Turc de Marache et l'Arménien de Zeïtoun; ceux qui ont fait naître cette haine, c'étaient les Zulcadir.

A Marache, depuis des temps très anciens, à part les Zulcadir, il existait une autre famille féodale du nom de Béyazidli. La ville de Marache est divisée en deux par une petite vallée. Après l'établissement nominal de la prédominance ottomane, la partie orientale s'est soumise aux Zulcadir, et l'occidentale aux Béyazidli. Ces deux fa milles étaient ennemies et rivales par tradition et par intérêt. Le passage nommé Boghaz-Kessen, où se trouve à présent le marché de Marache, constituait la partie méridionale de la ville et n'était qu'une gorge boisée, il y a encore quarante ans. Tous les jours des crimes s'y commettaient; les musulmans des deux partis s'entrégorgeaient. Les Zulcadir étaient des gens fanatiques, avares, oisifs, oppresseurs et pillards; ils avaient sous leurs ordres toutes les tribus des en virons et voulaient aussi dominer les Béyazidli. Ces derniers étaient des gens paisibles et travail leurs et comprenaient les intérêts réels de leur pays; ils étaient convaincus que les Arméniens étaient l'élément le plus utile de ce pays. En outre, les Béyazidli avaient besoin de protéger les Arméniens, parce que ceux-ci présentaient physiquement et moralement une grande force, sans laquelle ils n'auraient jamais pu résister au joug tyrannique des Zulcadir. C'est pour cela qu'ils aimaient, flattaient et aidaient les Zeïtouniotes. Et aux époques où ils ont pu obtenir les faveurs des sultans de Constantinople et avoir l'influence prépondérante dans la ville de Marache, Zeïtoun a joui d'une situation prospère et paisible; au contraire, lorsque les Zulcadir réussissaient à reconquérir leur prédominance, ce qui arrivait le plus souvent, ils faisaient tous leurs efforts pour amener une guerre contre Zeîtoun.

Après l'an 1815, Osman-Pacha, le chef des Béyazidli, écrasé par ses rivaux, appela les Zeïtouniotes à son secours; ceux-ci acceptèrent volontiers sa proposition et marchèrent par milliers sur la grande et opulente ville de Marache. En descendant tout d'abord par le mont Akher-Dagh. ils tombèrent sur la vigne d'Ahmed-Pacha-Zulcadir qui se trouve à Ouloudakh. Les femmes et les domestiques qui se trouvaient dans le palais s'en fuirent effrayés vers la ville. Ce jour-là on faisait la lessive au palais du pacha et on avait étendu le linge pour sécher sur les ceps de vigne; les Zeïtouniotes ramassèrent le linge et passant les chemises et les caleçons au bout de leurs fusils, ils se jetèrent sur la partie orientale de la ville. Jusqu'a présent les vieillards arméniens et les Turcs Béyazidli racontent avec orgueil que les Zeïtouniotes ont déployé comme trophées les caleçons d'Ahmed-Pacha. Après être entrés dans la ville, ils massacrèrent un grand nombre des partisans d'Ahmed-Pacha, mirent les autres en déroute, et nommèrent Osman-Pacha gouverneur général du district.

Quelques années après, celui-ci fut encore vaincu par ses rivaux et se vit forcé d'appeler encore une fois les Zeïtouniotes à son secours; ils vinrent de nouveau, remportèrent la victoire et demeurèrent pendant quelques semaines à Marache. Osman-Pacha, pour affirmer sa puissance et son prestige, ordonna aux Zeïtouniotes de forcer les chefs du parti rival à venir, tout déshabillés, se prosterner devant lui. Les Zeïtouniotes exécutèrent ponctuellement la volonté de leur ami: ils allèrent faire sortir les Zulcaclir de leurs maisons, les déshabillèrent et les amenèrent devant le Pacha, qui leur dit orgueilleusement: «Apprenez désormais à vous soumettre; j'ai derrière moi toute la montagne de Zeïtoun; n'oubliez pas que les Zeïtouniotes sont mes amis».

Le gouvernement turc voulut punir la conduite audacieuse des Zeïtouniotes et supprimer leur influence, qui s'étendait dans la province de .Mara che; il envoya en 1819 une grande armée contre Zeïtoun, sous le commandement de Tchapan-Oghlou.

Tchapan-Oghlou était l'ami intime du Sultan Mahmoud; c'était un tyran enragé qui fit même pendre un grand nombre de chefs de tribus musulmanes; son nom est resté chez toutes les populations arméniennes et musulmanes de l'Empire ottoman comme synonyme de fléau.

Les Zeïtouniotes, loin d'avoir peur de cet homme redoutable, se défendirent vaillamment contre lui et mirent en fuite son armée.