Zeïtoun: Histoire de Zeïtoun III

From Armeniapedia
Jump to navigation Jump to search

<- Zeïtoun: Depuis les origines jusqu'à l'insurrection de 1895

Les invasions des Chah-Suar. - Le renforcement de Zeïtoun

Zarmanouhi et ses fils avaient vaillamment gouverné Zeïtoun et ses environs pendant soixante-cinq ans, mais les Zulcadir du voisinage devinrent de plus en plus puissants et étendirent leur domination jusqu'à Césarée.

Les Européens ont donné le nom d'Alidouli ou Aladouli à l'ensemble de pays se trouvant sous le joug des Zulcadir 1. Le plus hardi et le plus rusé des conquérants que cette famille produisit fut Chah-Suar. Le plus grand obstacle à l'agrandissement de cette domination turcomane, étaient les Arméniens du Taurus; Chah-Suar déploya toutes ses forces pour les soumettre Il commença par attaquer Pertous où se trouvaient en ce temps-là des Arméniens en grand nombre. Ceux-ci étaient les plus anciens des émigrés arméniens en Cilicie, et leur prince Kogh-Vassil Vassil-le-Voleur) y régnait déjà avant que Roupen fût venu fonder une principauté arménienne. Pertous se trouvait derrière Marache; les Arméniens étaient là comme une menace perpétuelle contre la capitale des Zulcadir; et ils les empêchaient de marcher vers Albistan et prenaient le péage aux musulmans. Chah-Suar écrasa les Arméniens et ruina ce district; les Arméniens se réfugièrent pour la plupart à Zeïtun. Pour assurer sa capitale contre toute attaque, Chah-Suar lit venir plusieurs tribus turcomanes de Caraman et les établit à Marache où ils ont jusqu'à présent un grand quartier nommé Caramanli, et à Pertous, près de la forteresse Engouzoud, où se trouve encore un grand village portant le même nom.

Après Pertous, Chah-Suar dirigea ses armes contre Gantchi et Gaban. Un 1435, après de longues et sanglantes luttes, il s'empara de Gaban. Les survivants de la population arménienne s'en fuirent avec leurs princes à Zeïtoun et à Hadjin. Une partie de cette population, composée de gens faibles et pauvres, resta toujours à Gaban, acceptant toutes les souffrances pour ne pas se séparer du sol natal. Ce fut la chute finale de Gaban, qui avait eu un si grand et glorieux passé. En même temps que Gaban, Gantchi aussi avait passé sous le joug turcoman.

Malgré ces déboires, les Arméniens du Taurus ne perdirent jamais leur amour de la liberté; se refusant à accepter une vie d'asservissement, ils allèrent se grouper à Zeïtoun qui s'agrandissait de plus en plus. Là, ils livrèrent plusieurs batailles contre les musulmans des environs, et ils défendirent vaillamment leur district lorsque les ennemis venaient en nombre considérable pour détruire ce nouveau et dangereux nid de révolte. Les Zeïtouniotes n'allaient combattre loin de leur district que lorsqu'ils trouvaient à leur portée des bandes musulmanes dont les forces étaient proportionnées aux leurs; mais lorsque des forces considérables et régulières venaient contre Zeïtoun, ils les attendaient près de leur ville et c‘est là qu'ils livraient le combat. Ils ont d'ailleurs un proverbe: «Le grand combat, c'est celui que nous livrons près de notre ville». Ils ne pouvaient pas faire autrement, car, depuis la chute de là royauté arménienne, ils n'avaient plus ni les munitions ni les préparatifs d'une armée régulière, ils formaient en quelque sorte des bandes de bachi-bozouks. Mais si pauvrement munis qu'ils fussent, ils ont toujours montré un dévouement héroïque pour défendre avec obstination leur foyer d'indépendance.

Les Zulcadir livrèrent plusieurs batailles pour s'emparer de Zeïtoun, mais la victoire resta toujours du côté des Zeïtouniotes. Depuis les jours historiques jusqu'à présent, une croyance inébranlable s'est formée parmi cette population sur l'indestructibilité de leur indépendance. Ils ont une maxime qui dit: «Notre ville ne peut pas nous être prise, notre ville est vakouf» 2.

Ainsi Zeïtoun devint un centre très puissant. Il n'était plus, comme avant, un village d'Arékine; au contraire, Arékine, Gaban devinrent ses villages et Fournous, son hameau. Les princes et les châtelains s'établirent à Zeïtoun et, avec ceux qui s'y trouvaient déjà, gouvernèrent la ville et les villages des environs.

Ces princes appartenaient à des familles très anciennes qui ont produit pendant la royauté des hommes illustres dans l'armée.

La ville de Zeïtoun fut divisée en quatre quartiers dont chacun était gouverné par une des quatre familles princièrcs, elles quatre ensemble gouvernaient la ville entière.

Voici les noms des quatre familles, classées selon leur ancienneté:

1° Les Sourénian, possesseurs de la forteresse de Zeïtoun, gouverneurs du quartier Sourénian;

2° Les Apardian, gouverneurs du quartier Véri-Tagh;

3° Les Chorvoïan, gouverneurs du quartier Boz-Baïr;

4° Les Yayghoubian, gouverneurs du quartier Gargalar.

Les deux premières familles sont venues d'Ané et ont été les premières à s'établir dans le Kegh. Les Cliorvoïan doivent être venus do Pertons, car tout en étant très puissants, ils n'ont eu aucun pouvoir sur les villages environnant Zeïtoun, et ils ont dirigé eux-mêmes tous les combats qui ont été livrés pour défendre les villages des environs de Pertons.

Après la prise de Gaban, les Zulcadir devinrent très puissants et conquirent tous les environs, excepté Zeïtoun. Un des chefs de la famille Zulcadir, Hassan-Bek, marcha jusqu'en Géorgie en 1465. Chah-Suar, qui était le frère de Hassan-Bek, assujettit d'abord les Turcomans du nom d'Abaner qui le gênaient, les repoussa vers le sud et ils se sont établis au nord de Païas, dans les hauteurs de l'Amanus, où ils se trouvent encore sous le nom d'Abalar.

Mais l'endroit qui devint le théâtre principal des invasions de Chah-Suar fut le district d'Androun, qui était en ce temps-là un des centres de la Cilicie où les Arméniens se trouvaient en grand nombre. Androun a été toujours une voie ouverte à toutes les invasions; il mérite son nom qui, en arménien, veut dire sans porte. Il forme l'unique passage du Taurus de l'ouest vers l'est; et depuis les temps très anciens, les légions romaines et les armées byzantines sont passées par là pour aller contre les Persans et les Arabes.

Chah-Suar voulut posséder Androun pour avoir le chemin ouvert vers Sis, la capitale arménienne, et vers les plaines d'Adana. Des combats terribles eurent lieu, et le pays se vida de ses habitants arméniens qui se réfugièrent dans des endroits inaccessibles. Pour peupler le pays et pour neutraliser les forces des districts arméniens, Chah-Suar fit venir des Turcs à Androun. Il fonda le hameau de Kars-Zulcadrié dans le district armé nien d'Amouda avec les émigrés turcs de Kars que son frère Hassan-Bek avait fait venir de Géorgie, et c'est, pour cela que ce hameau prit le nom composite de Kars-Zulcadrié. De même, lorsqu'il prit Sis en 1468, pour affaiblir l'élément arménien, il y établit quelques milliers de Turcs qu'il fit venir de Damas.

Chah-Suar détruisit aussi plusieurs forteresses et couvents qui se trouvaient sur le Taurus et qui portaient des traces de constructions arméniennes ou chrétiennes. Il les détruisit pour faire perdre aux populations arméniennes leurs sentiments de nationalité et d'indépendance et pour les rendre incapables de s'insurger en les privant de leurs endroits fortifiés 3.

Encouragé par ces victoires, Chah-Suar se sou leva contre les Memlouks d'Egypte, les vainquit et prit Damas en 1468. Le sultan Katiba envoya une grande armée contre Chah-Suar; celui-ci ne put pas résister à cette force formidable, se réfugia en 1469 dans la forteresse Dsamentav (Zamanti) et après un siège prolongé il se rendit et fut amené en Egypte. Le sultan Katiba le fit pendre au Caire.

Pendant tous ces événements, une partie des Arméniens de la Cilicie avaient été massacrés ou pillés, et les autres s'étaient réfugiés dans des endroits inaccessibles. Le pays resta sans culture, et bientôt arrivèrent la peste et la famine; celle-ci dura trois ans et fit plus de ravage que le feu et l'épée.

Avant la défaite de Chah-Suar, les janissaires ottomans étaient déjà une première fois entrés dans les régions occidentales de la Cilicie. S'avançant de plus en plus sur le Taurus, ils prirent aussi en 1473 la forteresse de Seg qui était l'ancienne forteresse de Fournous. Ils y laissèrent des gardiens, dont cent cinquante partirent bientot jusqu'au port d'Aïas pour le défendre contre les Vénitiens qui étaient venus l'occuper avec l'aide des Persans et des Caramanli.

Après l'arrivée des Ottomans, les Zeïtouniotes trouvèrent des conditions plus favorables pour assurer leur indépendance, grâce à une politique habile et clairvoyante qu'ils pratiquèrent. Pour les Zeïtouniotes, le joug de leurs voisins les Zulcadir semblait bien plus insupportable et barbare que celui des Ottomans; les Zulcadir voulaient assurer leur domination en supprimant les Arméniens, et c'est pour cela qu'ils livraient perpétuellement des combats autour de Zeïtoun. Les Ottomans, bien qu'ils fussent plus puissants et plus tyranniques, ne voulaient pas encore, et ne le pouvaient pas d'ailleurs, prendre en leurs mains toute l'administration du pays, ils voulaient seulement y obtenir une influence prépondérante; et en ces temps-là, plus que les Arméniens, c'étaient les Turcomans qui devenaient le plus grand obstacle à l'extension de l'influence des Ottomans. Les Arméniens furent, pour ceux-ci, des alliés et dos guides pour écraser les Turcomans.

Cependant quelques années après la mort de Chah Suar, à peine Zeïtoun avait-il commencé à élargir ses limites et à renforcer sa situation que des querelles intérieures éclatèrent.

Lorsque Gaban et Gantchi passèrent aux Turcomans, la grande famille princière qui régnait dans ces deux districts et qui possédait aussi celui d'Arékine, vint avec ses hommes se réfugier à Zeïtoun, dans le quartier de Véri-Tagh; cette famille est celle qui s'appelle aujourd'hui Yéni-Dunia.

Quarante ans après, la lutte commença entre la famille nouvellement arrivée et les Apardian. Les nouveaux arrivants voulurent avoir la place prépondérante dans la ville de Zeïtoun; la lutte fra tricide dura pendant quelques semaines; les Apardian furent massacrés par leurs rivaux qui avaient avec eux l'élément le plus fort du pays; quelques jeunes garçons seulement furent sauvés de là famille Apardian.

Les autres familles princières, de peur que la même épée ne se tournât contre eux aussi, s'uni rent pour terrasser les usurpateurs; ceux-ci ne pouvant résister à tant de forces réunies, s'enfui rent en Egypte. Quarante-deux ans après, lorsque la tête du chef Ala-ed-Deuvlé, de la famille Zulcadir, fut envoyée par les Ottomans au sultan d'Egypte, les princes arméniens fugitifs retour nèrent à Zeïloun et s'établirent de nouveau dans le quartier de Véri-Tagh. Les Zeïtouniotes leur firent cette fois un accueil amical et donnèrent à leur famille le nom de Yéni-Dunia (mot composé turc qui signifie Nouveau-Monde); dès lors ce nom fut aussi donné au quartier de Véri-Tagh. Les Yéni-Dunia gagnèrent de plus en plus la sym pathie des Zeïtouniotes par leurs bienfaits et leurs exploits; ils restèrent jusqu'à la fin les princes les plus influents et les combattants les plus valeu reux de Zeïtoun. Les survivants de la famille Apardian acceptèrent de s'assujettir aux Yéni-Dunia et perdirent leurs pouvoirs princiers de jadis. Depuis cette époque les familles princières de Zeïtoun furent classées, non pas selon l'ancienneté, mais selon le degré de vaillance et de puissance, et voici comment:

1° Les Yéni-Dunia;

2° Les Sourénian;

3° Les Chorvoïan;

4° Les Yaghoubian.

Ala-ed-Deuvlé était le successeur de Chah-Suar. Les Ottomans étaient déjà définitivement détenus maîtres de la Cilicie occidentale; mais dans la partie orientale les Zulcadir continuaient à régrner. Le sultan Sélim, ayant conquis la Syrie, avait envoyé le généralissime Sinan-Pacha avec une grqnde armée contre Alaed-Deuvlé. Une grande bataille eut lieu dans la plaine de Goguis-son; les Zulcadir furent vaincus et la tête d'Alaed-Deuvlé lut envoyée au sultan d'Egypte en 1517. Cette bataille a été si favorable dans ses suites pour les Arméniens qu'on peut présumer que les princes de Zeïtoun ont dû aider les Ottomans en envoyant leurs bandes à la bataille ou bien on poursuivant isolément les troupes des Zulcadir. Le sultan Sélim détruisit la domination absolue des Zulcadir et leur fit accepter sa suzeraineté, mais il ne devint maître du pays que nominalement et il choisit les gouverneurs de la province de Marache dans la famille des Zulcadir.

Après que la prédominance des Ottomans se fut établie en Cilicie, le district de Zeïtoun s'agrandit encore et s'étendit jusqu'à Gaban. Les quatre princes de Zeïtoun gouvernèrent leur pays en toute indépendance, à la condition seulement de payer aux gouvcrneurs ottomans un tribut de dix kissé aktché, c'est-à-dire; cinq mille piastres. Selon une tradition, les princes de Zeïtoun, sous le sultan Suleïman, envoyèrent un prêtre à Constantinople qui renouvela officiellement les mêmes conditions. C'est à son retour que l'église de Sourp-Hagop fut construite à Zeïtoun (1545).

Les Zeïtouniotes ne payaient pas ce tribut; ils ne le payaient que lorsqu'on les y forçait ou bien lorsque les valis ottomans s'adressaient à eux avec des mots flatteurs: «Notre gouvernement a besoin de votre assistance, etc ». Et encore ils ne le payaient qu'en donnant des chevaux ou des mulets boiteux et des bœufs malades.

Les princes de Zeïtoun jouissaient de toutes les conditions de princes indépendants, ils levaient eux-mêmes les impôts et n'envoyaient au gouvernement que ce qui leur plaisait.

Les maisons des princes servaient en même temps de caserne, de dépôt, d'hôtel, de tribunal et de bureau d'affaires politiques, mais elles n'ont jamais servi de prison, parce que dans le petit état démocratique de Zeïtoun on n'a jamais senti le besoin d'emprisonner quelqu'un. On punisait les coupables en les tuant simplement ou on les envoyant dans un couvent expier leurs faute ou bien en les chassant do leur pays. Les princes étaient tout, juges, généraux, diplomates, commerçants, et ils avaient de vastes domaines où ils travaillaient eux-mêmes avec leurs serviteurs.

Les hommes du peuple, bien qu'après la chute de la royauté ils eussent perdu les titres et les uniformes militaires, avaient conservé l'esprit de discipline et la sobriété d'une armée régulière. Ils servaient dans les maisons des princes, travail laient dans les champs, soignaient les chevaux, accompagnaient les princes clans leurs voyages et souvent se sacrifiaient pour exécuter leurs ordres.

En revanche, les maisons des princes étaient toujours ouvertes au peuple. Il y avait là une table commune où des centaines venaient manger tous les jours. Les pauvres y trouvaient toujours des secours et des emplois. Les princes dépensaient souvent toutes leurs richesses et exposaient môme leur vie pour sauver un simple paysan.

Dans les familles princières le chef n'était pas toujours le plus âgé, mais souvent le cadet, lorsque celui-ci était le plus intelligent et le plus brave. Les plus vaillants d'entre les parents, les maires des villages et les chefs des familles patriarcales lui servaient de conseillers et d'état-major.

En temps de guerre, ou bien contre un danger quelconque, lorsque les parents des princes ou les maires des villages montent à cheval pour conduire le peuple, il y a pou de gens qui les suivent; mais lorsque le prince lui-même, saute sur son cheval, le peuple, tout entier, depuis les enfants jusqu'aux vieillards, le suit éperdument, en abandonnant maison, famille, affaires 4.

Les qualités d'un prince ne se manifestent que pondant la guerre. Les princes ne restent jamais chez eux, ne se contentent pas de lancer des ordres; pendant la guerre ils sont de vaillants commandants et de véritables combattants; ils s'élan cent les premiers vers l'ennemi et donnent au peuple l'exemple du dévouement et de la bravoure. Les princes qui se sont distingués par un patriotisme et une bravoure extraordinaires, deviennent comme des demi-dieux aux yeux du peuple. Les poètes populaires les immortalisent dans leurs chansons, et le peuple les mentionne dans toutes ses fêtes et banquets. Quant aux princes qui ont été lâches ou faibles, ils ne sont jamais cités ou bien ils sont mentionnés avec des injures.

Les Zeïtouniotes, entourés de nombreux ennemis ne se conservèrent que par cet esprit de discipline et de solidarité.

Si des querelles éclataient entre les familles princières, on s'adressait le plus souvent, pour arriver aune solution, à l'intervention du Catholicos de Sis ou à la décision d'un conseil d'arbitrage formé par les quatre familles.

Le clergé jouait à Zeïtoun, pour les affaires politiques, un rôle neutre ou passif. Bien que les Zeïtouniotes soient très religieux et estiment beaucoup les hommes du clergé, les princes ne permettent jamais aux ecclésiastiques de se mêler aux affaires politiques et d'exercer une influence sur les des tinées du peuple. Dans cette petite démocratie, l'Église a été toujours séparée de l'État.

Le système de quatre princes à Zeïtoun n'est que la suite des quatre grands ministres de la royauté roupénienne. Le même système existait aussi à Hadjin, à Vahga, à Sis, à Païas et dans d'autres villes et villages de la Cilicie.

Après l'an 1500, Zeïtoun eut une période de culture et de prospérité pendant un siècle. Le pays était complètement aux mains des princes arméniens; il s'enrichit par l'exploitation de ses excellentes et inépuisables mines de fer, que les Zeïtouniotes exportaient dans toutes les provinces de la Turquie; ils s'en servaient aussi pour forger des armes et ils en fortifiaient leur indépendance et leur richesse. La culture des oliviers et des Tors à soie était également une grande source de richesse. Les villages arméniens du Taurus se peuplèrent et s'enrichirent.

Ce qu'il y a déplus à remarquer dans ce siècle, c'est le mouvement intellectuel qui se développa à Zeïtoun et qui dura plus longtemps que cette ère de paix. Le couvent de Sourp-Asdvadsadsine, qui était d'abord tout petit, fut reconstruit et devint un grand séminaire. Les couvents célèbres de Sis, de Sev-Ler (Amanus), d'Androun et de Meds-Kar, étaient restés vides ou n'étaient plus que des ruines après la chute de la royauté. Des vartabeds 5 savants s'étaient réfugiés à Zeïtoun. Le nombre des membres de la communauté du couvent de Sourp-Asdvadsadsine s'élevait jusqu'à trente dont cinq ou six étaient des archevêques ou des évoques. Ce couvent fut un centre qui produisit un clergé éclairé et qui répandit un mouvement intellectuel dans toute la Cilicie. C'est de ce couvent que sortirent au XVI siècle, trois catholicos de Sis, Siméon (1539), Lazare (1545) et Khatchadour (1570). Dans ce couvent avaient été composés des livres historiques, oratoires et didactiques; malheureusement la plupart de ces livres ont été perdus ou brûlés pendant les combats; mais il reste encore un assez grand nombre de manuscrits qui donnent une idée de ce mouvement littéraire. On voit dans les mémoires griffon nés sur les marges de ces manuscrits que la plu part des vartabeds de Zeïtoun sont allé faire leurs études dans le grand couvent de Sébaste, d'où devait sortir plus tard le célèbre abbé Mekhitar, le fondateur du couvent de Venise.

Le couvent Sourp-Garabed de Fournous eut aussi sa part dans ce mouvement d'art et de littérature. Dans ce couvent se trouvaient un grand nombre de manuscrits, parmi lesquels il y avait même des œuvres grecques très anciennes. Tous ces trésors furent anéantis par les Turcs pendant les événements de 1895.

Parmi les manuscrits du couvent de Zeïtoun il se trouve des copies d'Écritures Saiaies très artistement exécutées, avec des enluminures d'un riche coloris. Mais le manuscrit le plus fameux de Zeïtoun, c'est le grand Evangile richement relié d'argent qui se trouve dans l'église de Sourp-Ohannès; il s'appelle l'Evangile de Vassil; il a été copié, au XII siècle, par l'ordre du prince Kogh-Vassil, et les princes de Boz-Baïr l'ont transporté de Pertous à Zeïtoun. Ce manuscrit est l'objet le plus précieux de Zeïtoun; le peuple lui attribue une puissance miraculeuse; il est le Palladium de Zeïtoun; en temps de guerre ou dans des circonstances solennelles, les Zeïtouniotes font serment sur cet Evangile; et pour tenir ce serment ils se sacrifient volontiers; ils croient fermement que celui qui y serait parjure aurait éternellement perdu son âme.

---
1 Il y il jusqu'à présent une tradition à Marache, selon laquelle la famille, Zulcadir succédera pour le Califat et pour le Sultanat à famille d'Osman, si celle-ci manque de descendant mâle.

2 Vakouf est un mot arabe; en Turquie, en appelle ainsi les biens sacré, les propriétés appartenant aux églises et aux mosquées. Les Zeitouniotes croient que Zeïtoun appartient à la nation arménienne et a Dieu.

3 Les pacha ottomans ont suivi l'exemple des chefs turcomans et c'est pour cela qu'on voit aujourd'hui plus de trois cents ruines de couvents et de fortresdse, dont quelqes-unes seulement sont encore en etat de servir, comme la forteresse de Pafas qui sert de prison pour le forçats.

4 Jusqu'il présent, si l'on questionne le Zeitouniote sur son amour de la discipline, il répond: «Si nous n'obéissions pas aux ordres de nos chefs et si nous ne nous jetions pas même dans le feu pour les servir nos aïeux nous assommeraient.

5 Docteur, pretre.